Etxerat

ETXERAT (01-02-2020). Récemment, les rues de Bilbao et Bayonne ont connu de nouvelles mobilisations massives. Cela n’a pas été la seule expression du refus de la politique pénitentiaire actuelle par la société basque : une indiscutable majorité sociale, politique et syndicale s’est positionnée à de multiples reprises pour la fin de l’éloignement et pour un changement en matière pénitentiaire. Nous rappelons les accords de juin 2018 de la totalité des syndicats de Navarre et de la Communauté Autonome Basque ; les déclarations institutionnelles des Parlements Basque et Navarrais ; les plus de 60 motions municipales ; les rassemblements que réalisent les syndicats le dernier mercredi de chaque mois à Bilbao et dernièrement, la déclaration du Parlement de Navarre pour le rapprochement. Mais, jusqu’à aujourd’hui, le Gouvernement espagnol, occupé à d’autres intérêts, continue d’ignorer cette demande sociale.

Nous ne pouvons pas oublier non plus qu’en juin 2018, durant les premiers jours de son Gouvernement, Pedro Sanchez a annoncé des changements dans la politique pénitentiaire. Si certains transferts ont eu lieu depuis vers des prisons moins éloignées, d’autres ont été réalisés vers des prisons encore plus lointaines. Certains changements de degré ont été accordés mais très peu, tandis qu’une large majorité de nos proches prisonniers se trouve toujours sous le régime du 1er degré et continue donc de subir des situations d’isolement injustifiées. Cette attitude vacillante du Gouvernement espagnol ne montre qu’une chose : on continue d’appliquer une politique pénitentiaire différenciée et d’exception de façon universelle et systématique.

Mais notre situation n’admet ni retard, ni hésitation. 19 longs mois ont déjà passé depuis l’annonce de ce changement en matière pénitentiaire qui n’a toujours pas été réalisé. 83 week-ends de plus ; 83 week-ends de risques imposés pour les centaines de personnes qui doivent affronter ces longs voyages. Et durant cette période, ce risque imposé s’est traduit par 18 accidents sur les routes des visites dont 16 dans l’État espagnol, ayant affecté 38 personnes dont un bébé de quelques mois ; des blessés graves, des hospitalisations, des frais très élevés... de la souffrance.

TÉMOIGNAGE 1: Je m’appelle Ana Igarriz. Fin 2017, alors que nous nous rendions à la prison de Castelló avec ma mère et ma tante, nous avons eu un très grave accident. Ce sont elles qui ont eu les blessures les plus sérieuses. Nous sommes restées quelques jours à l’hôpital. Les séquelles, physiques et psychiques, sont là pour toujours. Ma mère en souffre encore aujourd’hui. Nous sommes 942 parents et amis de prisonniers politiques basques à avoir vécu cette situation. Ce sont les fruits de l’éloignement.

TÉMOIGNAGE 2: Je m’appelle Xochitl Karasatorre. Depuis mes 7 ans, je dois parcourir des milliers de kilomètres pour rendre visite à mon père. Mon seul choix est de renoncer à le voir ou de maintenir mon lien familial. C’est mon père, et c’est mon droit, mais il a un prix : ma vie entière, mon enfance, mon adolescence, mon travail, mes études... tout est conditionné par les horaires de visite, les heures de route, l’argent que coûtent ces voyages... L’éloignement dispose entièrement de ma vie, je ne vis pas cette situation parce que mon père est prisonnier, mais parce qu’il est éloigné.

TÉMOIGNAGE 3: Je suis Josune Dorronsoro. Depuis que j’ai 17 ans, ma vie dépend la route. Pour voir mon frère, je dois faire 2.200 km. Je ne peux pas choisir quand voyager ; les dates et les horaires, de même que la distance et le risque que nous devons prendre, nous sont imposés. Moi j’ai juste choisi de rendre visite à mon frère parce que c’est ma famille et que c’est mon droit. Mais le prix qu’ils nous ont fixé est très élevé. Nous le payons de notre santé et de nos revenus. C’est la situation que vivent toutes les personnes que vous voyez ici, et de nombreuses autres qui ne sont pas présentes aujourd’hui.

Le Gouvernement espagnol sait-il tout cela ? Il le sait. Tient-il le compte du nombre d’accidents, du nombre de blessés, du nombre de victimes mortelles depuis qu’ils nous ont condamnés à souffrir parce que nous sommes des familles ? Sait-il combien de personnes deviennent des victimes potentielles chaque week-end ? Tient-il compte du nombre de proches de prisonniers qui ne peuvent plus faire les visites car ils ne sont pas ou plus en état de supporter la charge et les conséquences de tant d’heures sur la route ? Il sait tout cela, car le premier objectif de l’éloignement est l’utilisation de la souffrance à laquelle il nous soumet. Combien de souffrance encore le Gouvernement espagnol veut-il ajouter à tout cela ?

33 ans ont passé depuis la mise en vigueur de la politique pénitentiaire. Elle n’a jamais eu aucune justification, car elle est par nature destructrice de droits et génératrice de souffrance. Aujourd’hui, il n’y a même plus d’excuse. Il est temps d’y mettre fin. Il est temps d’entendre la demande de la société basque et de lui donner enfin l’opportunité de regarder vers l’avenir.