19 prisonniers politiques basques figurent dans la liste des patients atteints de maladies graves et incurables

ETXERAT (8-1-2020). Nous vous avons invité.e.s à cette conférence de presse pour rendre compte de la situation des prisonnier.e.s pour motif politique qui sont atteint.e.s de maladies. Une situation préoccupante, comme le montre l’évaluation que vont vous présenter des professionnels de la santé. Mais avant tout, il nous semble particulièrement important de souligner que la prison est un milieu pathogène, elle génère des maladies. Les conditions de vie dans un lieu fermé et surpeuplé, insalubre; la tension et le contrôle permanent de tous les aspects de leur vie; le mode de vie anti-naturel auquel les prisonnier.e.s sont soumis.e.s durant des années… tout cela est un bouillon de culture pour la maladie, aussi bien physique que psychique. Ces conditions s’aggravent avec les régimes de détention les plus sévères : premier degré, régime fermé, isolement… Non seulement la prison génère des maladies, mais une fois celles-ci déclarées, le prisonnier malade n’a pas les mêmes opportunités d’être diagnostiqué, suivi et traité que les autres personnes : le prisonnier malade est prisonnier avant tout, avec toutes les restrictions, limitations, obstacles et interdictions que cela implique, sa condition de personne malade ne vient qu’après. Son droit à la santé est toujours relégué au second plan.

Nous parlons de consultations, examens et diagnostics qui sont retardés pendant des mois, ce qui empêche que le diagnostic et le traitement soient mis en place à temps et qui augmente la peur et l’angoisse chez la personne malade et son entourage; nous parlons de contrôles médicaux qui ne sont pas réalisés dans les délais indiqués par les médecins, aussi grave que soit la maladie; d’interventions chirurgicales soudainement annulées… Chaque cas de maladie en prison est une dure épreuve pour la personne malade et sa famille, qui savent qu’ils vont devoir affronter une véritable course d’obstacles.

Nous voulons également faire une mention spéciale de la situation des prisonnier.e.s atteint.e.s de maladies graves et incurables. Pour la politique pénitentiaire actuelle, une politique d’exception uniquement basée sur la vengeance et le chantage, la situation de ces personnes devient un objectif prioritaire. D’où les difficultés pour obtenir leur libération, pourtant prévue par la législation sur les maladies graves et incurables. Nous rappelons avec quelle cruauté ont été traité.e.s les prisonnier.e.s gravement malades, l’administration allant jusqu’à prolonger leur souffrance en les maintenant derrière les barreaux jusqu’à la dernière minute, ou en profitant de leur vulnérabilité pour ajouter de nouvelles conditions à leur libération.

Nous rappelons enfin que trois anciens prisonniers sont morts en 2019, libérés quelques mois avant leur décès quand leur maladie avait atteint le stade terminal.

Les prisonnier.e.s et la santé aujourd’hui

Actuellement, 69 personnes prisonnier.e.s souffrent d’au moins une maladie organique et ont besoin d’un suivi rigoureux. 38 autres personnes souffrent de pathologies plus légères ou pour lesquelles aucun élément significatif ne nous est parvenu. Notre évaluation ne tient compte que du premier groupe, même si nous sommes conscients que d’autres prisonnier.e.s sont malades mais n’ont pas, pour le moment, besoin de notre assistance. C’est ce qui ressort des dossiers médicaux qui nous arrivent des différentes prisons.

Sur ces 69 personnes, 16 font partie de la liste des prisonnier.e.s atteint.e.s de maladies graves et incurables. 15 autres bénéficient d’un strict suivi de leur maladie et 37 autres sont sous contrôle avec des pathologies moins sévères. Il faut préciser que certaines de ces personnes sont en attente des résultats de différentes analyses médicales avec possibilité de diagnostics graves.

En ce qui concerne les personnes atteintes de maladies psychiques, nous recensons pour le moment 16 cas, dont quatre figurent dans la liste des prisonniers gravement malades, six qui bénéficient d’un strict suivi et six autres qui ont un contrôle moins rigoureux. En plus de ces 16 personnes, nous en comptabilisons 26 qui souffrent ou ont souffert de différents types de névrose. Il faut souligner que 13 de ces personnes reçoivent une assistance directe (visites de thérapie individuelle dans les prisons) de nos professionnels. Un fait significatif : ces 12 dernières années, l’administration pénitentiaire a refusé 33 demandes d’assistance par des psychologues extra pénitentiaires.

Un autre fait à prendre en compte : aujourd’hui, alors que ce collectif compte près de 250 prisonniers, 34 % d’entre eux souffrent d’une affection significative, alors qu’il y a 10 ans, avec près de 750 prisonniers, ce chiffre n’atteignait pas les 25 %. À quels facteurs cette impressionnante augmentation est-elle due? À ceux que nous détectons ces dernières années: en plus de ceux déjà cités, l’augmentation de l’âge moyen et la durée d’incarcération des membres de ce collectif.

Nous abordons les conséquences de cette situation en réalisant chaque année une liste des personnes atteintes de maladies graves et incurables, selon des critères strictement médicaux. La liste actuelle comprend 19 prisonniers malades, deux de moins que la liste de l’année précédente : Aitzol Gogorza, placé sous le régime de la prison atténuée et Jose Angel Otxoa de Eribe, récemment décédé quelques semaines après sa libération conditionnelle. Parmi ces cas, il est évident que certains ont un niveau de gravité très élevé, c’est-à-dire avec un risque avéré de décès. Dans ce groupe, figurent des cas de cancer, de cardiopathie sévère (Josetxo Arizkuren ou Mikel Otegi) et de maladie psychique grave (Txus Martin, Kepa Arronategi et un patient figurant dans la liste non publique), ainsi que des maladies dégénératives à un stade avancé (tel Ibon Fernandez Iradi, atteint de sclérose en plaques). Nous considérons les autres cas comme des personnes sans risque évident de décès mais pour qui la prison (structure, règlement, conditions de détention...) empêche l’accès à un traitement adéquat: cela concerne aussi bien des patients atteints de maladies dégénératives, et, par conséquent, incurables (spondylarthrite, rhumatisme psoriasique...) que des personnes affectées par des maladies ophtalmologiques graves (Iñaki Etxeberria et Jon Gurutz Maiza).

Que proposons-nous pour les patients figurant dans ces deux groupes? Il est évident que le plus urgent est de libérer ceux qui ont un pronostic grave et un risque de mort : les personnes atteintes de cancers, de maladies cardiologiques et psychotiques. Même une personne atteinte d’un cancer et se trouvant en phase de rémission ou dont la tumeur a été neutralisée a besoin de conditions particulières pour éviter la rechute ou les risques imprévus (voir les cas d’Uribetxeberria ou d’Otxoa de Eribe). En ce qui concerne les malades chroniques sans risque évident de décès, il est proposé de les transférer de toute urgence à Zaballa où l’assistance extra pénitentiaire et hospitalière est mieux assurée.

D’autre part, en ce qui concerne l’assistance sanitaire de ces personnes incarcérées, nous avons encore fait le constat ces derniers mois de situations qui affectent négativement ces personnes et leurs maladies. Ainsi, par exemple, et en nous limitant aux derniers cas dont nous avons eu connaissance, nous pointons une série de déficiences à corriger.

Nous nous référons, d’une part, à des retards dans les consultations, analyses ou interventions chirurgicales. Ces derniers mois, certains de ces problèmes ou négligences ont affecté les patients prisonniers de ce collectif : liste d’attente pour les interventions chirurgicales de plus d’un an, manque de coordination entre la prison et l’hôpital, manque de communication au patient lui-même au mépris de la douleur et de l’inquiétude de la personne malade, traitements erronés un patient atteint de problèmes cardiaques graves... D’autre part, nous avons observé des cas de précarité dans le suivi médical des patients. Cas Kepa del Hoyo : aucune gestion sanitaire dans les jours qui ont précédé sa mort. Cas Josetxo Arizkuren : traitement erroné à un patient ayant subi plusieurs infarctus. Ainsi, nous constatons qu’année après année, les difficultés à libérer les prisonniers atteints de maladies graves et incurables se répètent. S’il est vrai que cette dernière année, des prisonners se trouvant dans cette situation ont été libérés (Asier Aginako ou Jose Angel Otxoa de Eribe), il faut aussi souligner que certaines de ces libérations ou changements de situation de ces personnes ont eu lieu après que la gravité de leur maladie ait été constatée durant de longues années et corroborée par des rapports médicaux exhaustifs et incontestables. À ce sujet, il faut remarquer une fois de plus que ce sont presque toujours les critères pénitentiaires judiciaires qui prévalent sur les critères médicaux lors de l’examen des demandes de libération de ces personnes. Le cas actuel d’Ibon Fernandez Iradi, atteint d’une sclérose en plaques, en est une illustration : après un premier examen de la part d’experts médicaux nommés par le juge et recommandant sa libération, les interventions du parquet et de diverses instances judiciaires ont retardé pendant des années une décision qui aurait dû être appliquée depuis longtemps.

Pour finir, et comme autre fait significatif, nous rappelons que durant l’année 2019, 3 ex-prisonniers sont décédés après avoir été libérés en raison de la gravité de leur maladie : Oier Gomez, Juan Mari Maiezkurrena et Jose Angel Otxoa de Eribe. Tous trois souffraient de cancer, tous trois au stade terminal. Il est logique de penser que si ces personnes avaient été libérées un stade moins avancé de la maladie, leur espérance de vie aurait pu augmenter significativement.

gaixoak1.jpg