ETXERAT (21-04-2020). Dans les prisons de l’État espagnol, tous les signaux sont au rouge. Le manque d’application des mesures spécifiques recommandées par des organismes internationaux comme l’Organisation Mondiale de la Santé, l’Organisation des Nations Unies et le Conseil de l’Europe, entre autres, ainsi que l’absence de réponse aux propositions réalisées par des dizaines d’organismes et d’acteurs sociaux, qui pour la majorité d’entre eux connaissent bien la réalité pénitentiaire, ont mené à une situation d’abandon des personnes prisonnières et de leurs familles.

Actuellement, 199 prisonniers politiques basques purgent leurs condamnations dans des prisons de l’État espagnol (dont deux seulement dans des prisons du Pays Basque) et 17 d’entre eux figurent sur la liste des prisonniers atteints de maladies graves et incurables (15 dans les prisons espagnoles et deux dans les prisons françaises). Certains de ces prisonniers appartiennent à un autre groupe à haut risque puisqu’ils ont plus de 70 ans (11 d’entre eux ont plus de 65 ans) et quatre enfants se trouvent en prison avec leurs mères. Mais la population totale dans les centres pénitentiaires de l’État espagnol dépasse aujourd’hui les 60.000 personnes. Cela suppose que dans chaque prison, des centaines de personnes cohabitent dans des espaces prévus pour accueillir moins de monde et dans des conditions propices à la contamination.

Notre première constatation est le manque d’information sur l’avancée de la pandémie dans les prisons ; un manque d’information dont nous souffrons à l’extérieur, mais qui affecte en premier lieu les personnes incarcérées, leur droit à la santé comme leur droit à l’information étant parfaitement ignorés. Nous savons qu’une série de chiffres sont régulièrement publiés sur le nombre de prisonniers et de fonctionnaires affectés d’une façon ou d’une autre part la pandémie, mais nous considérons qu’ils sont minimisés, sinon dissimulés, pour cacher la situation réelle que nous ne pouvons qualifier que d’alarmante. Une première preuve en est que, paradoxalement, le nombre officiel des personnes prisonnières affectées est résiduel, alors que pour les fonctionnaires de prison les cas se comptent déjà par centaines. La mesure consistant à isoler les prisons de tout contact avec l’extérieur ajoute de l’hermétisme à une mesure déjà opaque et favorise la dissimulation de faits et d’informations.

Mais nous pouvons quand même constater que mêmes les mesures basiques de prévention et de contention de l’épidémie n’ont pas été prises : si l’accès aux tests n’est pas permis aux fonctionnaires de prison, il l’est encore moins à la population prisonnière. Pour les prisonniers, il n’y a pas non plus de gants ni de masques ; aucun élément de prévention ne leur a été fourni et en ce qui concerne la désinfection, non seulement elle n’est pas faite dans les règles, mais elle est en plus interdite à certains endroits. Nous savons que l’armée a désinfecté quelques centres, mais les personnes prisonnières n’ont pas accès aux moyens que la crise actuelle exige et la situation est encore aggravée par le fait qu’ils sont toujours obligés de se regrouper, par exemple dans des réfectoires.

Les équipes de personnel sanitaire dans les prisons n’ont pas été renforcées, et le déficit d’assistance sanitaire dans celles où le problème existait déjà n’a pas été corrigé ; autrement dit, il n’existe aucun plan d’action en matière de prévention et d’assistance pour les prisons.

Les prisonniers incarcérés en préventive, avec des condamnations courtes, au troisième degré, gravement malades et âgées de plus de 65 ans n’ont pas été libérés. Il semble que l’administration pénitentiaire continue d’attendre la phase terminale ; juste ce qu’il faut pour éviter que le décès ne figure dans leurs statistiques.

Les moyens téléphoniques et informatiques indispensables pour maintenir le lien affectif et éviter les conséquences d’angoisse et de désinformation n’ont pas été garantis dans toutes les prisons et à toutes les personnes prisonnières. Il existe également des prisons où les appels vidéo ont été autorisés aux autres prisonniers mais expressément interdits aux prisonniers politiques basques.

Nous pensons que les partis politiques qui siègent au Parlement et les acteurs syndicaux et sociaux doivent demander au Gouvernement espagnol, au Ministre de l’Intérieur, au Secrétaire Général des prisons et aux autorités sanitaires d’expliquer :

- Quelles mesures de prévention ont été activées pour éviter l’expansion de la pandémie dans les prisons.
- De quels éléments disposent les personnes incarcérées pour la désinfection de leurs personnes, de leurs affaires et des espaces communs.
- Quelles mesures vont être activées, jusqu’à la restauration des communications ordinaires et extraordinaires, pour garantir la vie familiale des personnes incarcérées.
- Pour quelles raisons les mesures proposées par les organismes internationaux comme l’OMS et le Conseil de l’Europe, ainsi que par les entités sociales qui travaillent en soutien des personnes prisonnières et de leurs familles, n’ont pas été appliquées de manière drastique et généralisée.

Nous, en tant que familles de prisonniers, avons droit à cette information. Nous avons le droit de savoir comment est gérée la santé de nos parents et amis et quel est le plan d’assistance, s’il y en a un, pour les cas de maladie et de contamination. Mais cette préoccupation n’est pas seulement la nôtre, elle affecte aussi la société en général, ses acteurs politiques, sociaux et syndicaux et ses institutions en raison de la responsabilité qu’ils portent.