Conférence de presse d’Etxerat – Donostia le 30 avril 2016
Nous avons organisé cette conférence de presse pour faire part du premier bilan que nous faisons du rapport présenté par sept députés européens le 26 avril dernier à Bruxelles.
Nous voulons rappeler que ce rapport est basé sur une série de réunions que ce groupe a réalisées en février dernier avec un grand nombre d’acteurs politiques, sociaux, institutions et autorités, aussi bien de la Communauté Autonome Basque que de la Communauté de Navarre et d’Iparralde. Ces réunions avaient pour objectif de vérifier et contraster les informations communiquées par Etxerat quelques mois auparavant sur la politique pénitentiaire actuelle et ses conséquences.
En premier lieu, le silence médiatique qui a entouré la présentation de ce rapport en dit long. Il est difficile de justifier qu’un rapport qui parle de la violation des droits essentiels dans l’État espagnol n’ait pas trouvé d’espace dans les médias, à l’exception du traitement fait par deux médias basques et d’une brève mention dans un autre journal parlant d’un rapport sur l’état des terroristes incarcérés. Or, il ne s’agit pas d’un rapport sur l’état des terroristes incarcérés, mais sur l’état des droits humains.
Notre association dénonce depuis des années l’essence de la dispersion : sa nature de violation permanente des droits des prisonniers et des nôtres, leurs parents et amis. Un travail qui n’est pas allé en diminuant ces derniers temps, bien au contraire, à cause du durcissement de la politique pénitentiaire, mais aussi parce que les conséquences de cette dernière, de plus en plus lourdes au fil des années, sont dévastatrices.
Pour ce travail, nous avons été et sommes toujours poursuivis, criminalisés, y compris arrêtés et mis en examen. Nos droits font l’objet d’un jeu politique ; c’est donc toute la société basque qui fait l’objet d’un jeu politique. Car ces violations ont été justifiées, utilisées comme chantage avec l’exigence de contreparties ou offertes pour un bénéfice politique immédiat. Mais il y a encore plus grave que tout cela : elles sont maintenant utilisées pour fermer la voie de la paix.
Le rapport est clair dans ses conclusions. La dispersion est une politique d’exception qui viole les droits essentiels. Elle viole le droit à la vie familiale, le droit à la vie, le droit à la santé, le droit à l’égalité, le droit à la liberté, le droit à un procès juste.
- La politique pénitentiaire s’est endurcie alors que plus de quatre ans se sont écoulés depuis la trêve de ETA. Le contrôle pénitentiaire est sans cesse renforcé et la loi est utilisée comme instrument de rétribution et non de réinsertion.
- Le refus fait aux prisonniers de les transférer à des prisons plus proches de leur domicile n’affecte pas que ces derniers, il touche tout leur entourage. La politique de dispersion viole le droit constitutionnel à la réinsertion et le droit à une vie familiale et privée prévu dans l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.
- Le droit aux soins et à la santé des prisonniers atteints de maladies graves et incurables est menacé, et la question de l’accès de ces prisonniers aux traitements et contrôles médicaux dont ils ont besoin préoccupe particulièrement les parlementaires qui ont élaboré ce rapport.
-La Loi Organique 7/2004 de l’État espagnol limite la portée et les objectifs de la Décision Cadre 2008/675/JAI du 24 juillet 2008. Les exceptions prévues dans cette loi permettent l’allongement des peines et donc une violation du droit à la liberté.
- Les demandes de libération conditionnelle présentées dans l’État français durant l’année 2015 ont été systématiquement refusées sur la base d’arguments politiques. Étrangement, les demandes présentées avant la fin de la lutte armée avaient plus de chances d’être acceptées.
Lors de la présentation de ce rapport, les eurodéputés ont également mentionné l’esprit de vengeance de la politique pénitentiaire, et ont qualifié de torture la situation dans laquelle sont maintenus les prisonniers atteints de maladies graves et incurables.
Il apparaît bien clairement, comme nous l’avons dit au début, qu’il ne s’agit pas d’un rapport sur l’état des terroristes prisonniers mais sur l’état des droits humains.
Dans ses recommandations, le groupe de parlementaires, qui déclare être guidé par une sincère tentative d’appuyer le processus de paix :
- déclare qu’il n’y a pas d’opposition entre les droits humains. Le respect des droits essentiels des prisonniers basques pour motifs politiques n’est pas contraire au respect des droits essentiels des victimes d’ETA. Les droits humains sont universels et devraient être garantis dans tous les cas.
- exhorte les gouvernements espagnol et français à mettre un terme aux politiques d’exception et discriminatoires et à respecter les droits des prisonniers et des prisonnières.
- ils exigent la fin de la politique de dispersion et appellent les autorités à prendre en considération chaque cas de prisonnier gravement malade.
- ils demandent instamment au gouvernement espagnol d’ajuster la loi 7/2004 à la décision cadre européenne.
- ils exigent également la fin de l’utilisation d’arguments politiques lors de l’examen des demandes de libération conditionnelle car cela fait obstacle au processus de paix.
Il s’agit là, en résumé, des conclusions du rapport présenté par ce groupe de députés européens.
Nous voulons ajouter que dans les deux États, mais particulièrement dans l’État espagnol, il y a une mise en opposition des droits. Ceux qui l’ont créée l’ont alimentée, travaillée pour en faire une situation acceptée et normalisée. C’est l’instrument avec lequel il justifient et valident les violations de nos droits et de ceux de nos parents et amis emprisonnés, et avec lequel ils continuent d’en générer de nouvelles. C’est cette opposition des droits qui permet la politique de dispersion et ses conséquences. C’est elle qui permet à des forces politiques de soumettre la dénonciation de ces violations de droits à rétribution et contrepartie.
Etxerat invite chacun à mener la réflexion qu’exige ce rapport et en appelle à la responsabilité politique et sociale de tous. Nous exprimons ici notre volonté de continuer à avancer vers la paix et la résolution, et nous réitérons notre confiance dans le travail commun avec les acteurs politiques et sociaux et les institutions. Avec cette volonté et cette confiance, nous solliciterons lors de ces prochaines semaines de nouvelles réunions avec les partis politiques, syndicats, organismes sociaux et institutions qui, par les informations et opinions transmises aux eurodéputés, ont pris part à l’élaboration de ce rapport.