ETXERAT. Certaines des personnes mises en examen dans l’État espagnol pour leur travail de défense des droits des prisonniers basques ont donné une conférence de presse samedi dernier 21 octobre à Donostia, au côté de représentants du monde politique, syndical et social. Voici leur déclaration :
À l’automne 2013, une opération policière a été menée contre le mouvement Herrira. Plus tard, il y a eu d’autres arrestations : celles des avocats chargés de la défense des prisonniers du CPPB, des médiateurs de ce Collectif, des membres de l’association des familles Etxerat ou de Jaiki Hadi, association de professionnels de la santé. Au total, 48 personnes. 11 d’entre elles ont été incarcérées de façon préventive.
Ces jours-ci, nous avons eu connaissance des réquisitions du Procureur et des accusations particulières contre ces personnes : la somme des peines demandées dépasse les 600 ans de prison.
Ces demandes ont suscité chez nous une forte inquiétude et nous souhaitons alerter de la gravité de la situation. À l’automne 2017, la vie de ces personnes dépend d’une évidente injustice judiciaire et policière. De même, nous sommes extrêmement préoccupés par les effets que des macros procès comme celui-ci peuvent avoir dans le contexte politique et social actuel. Le choix par l’État espagnol de la seule voie répressive face à des problèmes politiques nous déplaît profondément. Aux demandes d’une plus grande démocratie, l’État répond par l’application de mesures législatives absolument exceptionnelles. Malheureusement, ces dernières semaines, nous en avons été témoins de façon répétée.
Les citoyens de ce pays, dans toute leur pluralité, souhaitent affronter les problèmes dans des paramètres démocratiques et pacifiques. Nous vivons pourtant toujours de tels excès antidémocratiques.
Ces personnes sont accusées d’un délit de terrorisme pour des activités menées durant les années 2012, 2013 et 2014. C’est-à-dire, après que l’organisation ETA ait mis un terme à ses activités armées en octobre 2011. Pourtant, les réquisitions du Procureur sont très élevées et extrêmement graves. Nous soulignons aujourd’hui que ces personnes ont mené un travail public et transversal pour la défense des droits humains, la résolution et la paix. De très nombreux autres groupes, organismes ou acteurs de différents secteurs de la société peuvent en attester. Nous croyons que travailler en faveur de la paix ne peut en aucun cas être un délit. Plus encore, il s’agit d’un travail nécessaire et qui repose sur l’aval de la société basque et de différents organismes internationaux.
Les pas réalisés dans la voie de la normalisation et de la paix ces derniers mois en sont la preuve : 8 avril, le désarmement définitif d’ETA impulsé par les Artisans de la Paix ; suivant la voie de ces dernières années, en juillet, les conclusions du CPPB sur son débat interne, signalant « l’usage de voies légales pour obtenir leur liberté » comme chemin ; 8 octobre, la dynamique « Moi je te crois » pour la reconnaissance de la réalité des femmes ; la reconnaissance des différentes victimes et les pas faits vers la cohabitation. Plus ceux qui vont l’être prochainement : les différents acteurs sociaux, politiques et syndicaux, de même que les institutions, sont en train de partager leurs agendas en faveur de la paix. Le souhait de ce peuple est d’avancer vers la paix et la démocratie.
Il est incroyable que, dans ce contexte, la situation des personnes prisonnières et exilées ne s’améliore pas. Dans la voie d’une solution politique, nous devons en finir avec la prison et l’exil. Partant d’une exigence urgente, le respect des droits humains des prisonniers et de leurs familles. Droits que la politique pénitentiaire actuelle, basée sur l’exceptionnalité, viole de manière flagrante. Nous ne voulons plus de violations de droits, ni envers les prisonniers ni envers personne. Nous croyons que ce peuple a déjà trop souffert. Ce pays veut et a besoin d’un avenir meilleur.
Une société qui souhaite que tous les droits de toutes les personnes soient respectés ne peut accepter de violations de ce type. Ouvrir les voies à une assistance sanitaire adéquate, choisir une défense juridique, avoir la possibilité d’agir dans le domaine politique ou de développer des relations sociales et affectives sont des droits fondamentaux. Ils sont cependant, par le biais de cette procédure judiciaire, gravement attaqués.
Des injustices comme celle-ci mettent en évidence la nécessité de poursuivre nos engagements dans la recherche de solutions proactives et de travailler à une paix définitive. Nous considérons que les citoyens doivent jouer un rôle de premier plan, au-delà des sigles et des différences idéologiques. C’est dans ce sens que nous allons travailler de façon déterminée avec le plus grand nombre possible de personnes et d’organismes, y compris celles qui font l’objet de cette procédure judiciaire.
Nous invitons la société basque, et particulièrement les acteurs institutionnels, politiques, sociaux et syndicaux, à continuer à travailler dans le cadre d’un agenda partagé pour la construction de la paix. Nous souhaitons offrir aux citoyens des cadres d’adhésion proches de leurs domaines d’action, adaptés à leurs besoins. Tout ce qui sera possible, dans l’objectif d’en finir avec des injustices comme celle-ci. Nous toutes et tous, y compris les 48 personnes poursuivies dans ce dossier, montrons un engagement ferme : défendre les droits humains de toutes les personnes, approfondir l’exercice démocratique et construire une paix intégrale.